Pierre François Gédéon LENOIR (1831-1891)
« Le convoi des hirondelles »
Aux origines de la ligne du Simplon, en 1858, le train fait halte à Aigle et un Pavillon de la gare naît dans la foulée, point de départ des diligences menant les voyageurs à destination de Corbeyrier et des villages de la vallée des Ormonts. Pierre François Gédéon Lenoir s’installa au Buffet en 1861 et y créa une sorte d’entreprise touristique, louant voitures, attelages et cochers aux voyageurs désireux de visiter les environs.


Il faudra attendre 1898 pour voir l’enseigne équestre posée au faîte de l’édicule ; «le cheval qui galope sur le toit» a été exécuté sur un dessin du peintre français Edouard Detaille (1848-1912) et rappelle ces temps héroïques. Les personnes désireuses de s’assurer un équipage écrivaient à cette adresse pittoresque : « Au cheval qui galope sur le toit, Aigle. »
Faisant partie des symboles de la ville d’Aigle et cher à Hemingway, l’équidé au galop qui trône actuellement sur le bâtiment de la Poste et du buffet de la Gare a été rafraîchi lors de la réfection de l’immeuble en 2013.
Tout va donc pour le mieux durant les beaux jours, mais dès l’automne, bêtes ou gens demeurent inoccupés : c’est la saison morte.
Alors, M. Lenoir fait une tentative hardie. En 1872, il se rend à Cannes avec deux chevaux et cherche à y créer une entreprise similaire à celle d’Aigle.
Les débuts sont rudes. Il doit loger avec ses bêtes dans un hangar à bateaux. Puis, sa position s’affermit; l’année suivante, après avoir passé l’été à Aigle, il reprend la route de Cannes avec toute une caravane. Ils passent la frontière à Saint-Gingolph, longeant la côte de Savoie, gagnent Grenoble, franchissent vallées et cols pour aboutir à Grasse puis, de là, à Cannes.
Leurs efforts persévérants amènent la réussite. Les premières années, tout le monde loge dans une petite rue du vieux Cannes appelée actuellement encore : rue des Suisses. De là, ils passent dans un quartier plus élégant.

Dès lors, ils sont connus à des lieues à la ronde. A Aigle, on les appelle le convoi des hirondelles ! Comme ces messagères du printemps, voitures et chevaux réapparaissent au pays avec le mois d’avril. Leur arrivée suscite toujours beaucoup d’intérêt. On déballe des marchandises hétéroclites : huile d’olive, chapeaux de paille, poterie de Vallauris, perroquets, perruches, etc…

Descendance de Pierre François Gédéon LENOIR
François LENOIR a épousé Louise Elisabeth Marguerite BORLOZ (1836-1892) et ils eurent quatre enfants:
Charles François LENOIR (1862-1933)
Marie Marguerite Elisabeth Mathilde LENOIR (1866-1941)
Emile Auguste Marc Vincent LENOIR (1872-1915)
Marie LENOIR
Nous avons tenté de suivre les destins des deux garçons, Charles et Emile, tous les deux aussi exceptionnels.
Charles François LENOIR (1862-1933)
Charles Lenoir reprit l’entreprise familiale, et il se maria à Cannes le 11 juin 1889 avec Thérèse Anaïs Audrin (1866-1923). Le couple eut deux filles, Marguerite (voir les Marguerite dans notre famille) et Violette.
Las, Charles Lenoir dut interrompre son activité florissante lorsque ses chevaux furent réquisitionnés lors de la guerre de 14.
Les soeurs Lenoir conservèrent le Buffet de la gare d’Aigle jusqu’en 1959.
De gauche à droite : Antoine Audrin, Thérèse Audrin Lenoir, Charles Lenoir

Marguerite Lenoir (1892-1963)
Marguerite Lenoir, la fille aînée de Charles Lenoir s’était liée au pensionnat de Menzingen, où elles apprenaient l’allemand, avec sa condisciple Valentine-Frida dite Fridette (1893-1957), fille de David Binder.
Pendant la guerre, toutes deux s’étaient engagées comme infirmières bénévoles à l’hôpital St-Charles de Cannes, où l’on soignait des soldats blessés.

SCOOP ! En été 1936, le cousin germain de Marguerite Lenoir, Lucien Audrin (1919-2009), orphelin de mère et vivant à Cannes, est accueilli pour les vacances aux Mayens de Sion dans la famille de Fridette, devenue Madame Paul de Rivaz. C’est aux Mayens qu’il fera connaissance de Liliane Haenni, qu’il épouse aux Mayens de Sion le 31 août 1949.
Le couple s’installe à Paris et donne naissance à deux filles, Barbara et Laure, et un garçon, l’ Audrin.
En mai 1983, l’ Audrin quitte Cannes pour s’installer dans la région de Vevey, non loin d’Aigle, sans réellement se douter qu’il perpétuait en quelque sorte la tradition du convoi des hirondelles.
Emile Auguste Marc Vincent LENOIR (1872-1915)
Emile Lenoir, le frère de Charles, est né le 2 août 1872, au début de l’aventure du convoi des hirondelles.
La photo a été prise en 1896 par le photographe John William Gorsuch à Londres. Il faut donc croire qu’Emile était à Londres avant de se rendre aux USA. Elle est dédiée à « A ma chère Tante Rosine ». Il doit s’agir de sa marraine Rosine Haldy.


Emile Lenoir s’est rendu aux Etats-Unis en 1871:
Passenger List Emile Lenoir * ca. 1871 Aigle – age 35, agent, single, last residence Paris, final destination New Orleans, arrival at New York 1 Feb 906 from Le Havre FR on board LA SAVOIA
Name and address of nearest relative : G. Lenoir, Bd du Riou, Cannes

✝︎ Mort pour la France
Emile Auguste Marc Vincent LENOIR
Grade : 2e Classe
Corps : 3e de Marche du 1er étranger ; le 3e régiment de marche du 1er étranger était une unité militaire française de la Légion étrangère qui exista de façon éphémère de 1914 à 1915.
Mort pour la France le 26 mai 1915 à Tilloloy (Somme)
Genre de mort : Tué à l’ennemi

Sources
- « Au cheval qui galope sur le toit » — Huguette Chausson — Feuille d’Avis du District d’Aigle, 19 août 1949
- « AIGLE: LE CHEVAL SERA BIENTÔT LE DERNIER VESTIGE DU CAFÉ DE LA GARE »— Willy Boder — EV AIGLE, 13 janvier 1978
- « AIGLE: LE CHEVAL SUR LE TOIT » — A.Amiguet — La Tribune, 13 janvier 1978
- « En souvenir de l’époque hippomobile, « Le cheval sur le toit » à Aigle » — Ip — Est Vaudois, 21 janvier 1979
- « Aigle vous accueille… mais un cheval vous salue! »— Jérôme Lathion — 24 heures, 3 janvier 2007
- « Emile Lenoir » — Gisela Dirac-Wahrenburg, partenaire du réseau l’Audrin…croyable — 27 février 2019